Article paru dans L'Altermondialiste n° 20

Publié le par Eco-hameau de Verfeil

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L'Ecohameau de Verfeil sur Seye

(Tarn et Garonne)

 

Malgré bien des soutiens, de la municipalité ou d'acteurs associatifs locaux, le projet est actuellement bloqué suite à un recours du voisinage. Marie-Fé et Stéphan ne désespèrent pas de trouver une issue favorable à leurs complications judiciaires.

 

Marie-Fernande Jacquesson était maire du village à l'époque des prémices du projet en 2004, elle a soutenue immédiatement l'initiative car cela constituait un joli moyen de relancer la dynamique locale. Verfeil sur Seye fait partie de ces villages dont l'histoire s'est conjuguée au passé, ancienne bastide, cette bourgade est aujourd'hui en perte de vitesse. Les commerces ont du mal à se maintenir, l'activité locale n'est plus ce qu'elle était. La venue de la chanteuse Colette Magny dans la région, au cours des années 80 avait permis un regain de dynamique artistique, elle fonda l'association culturelle Act'2 et

lança le festival « Des Croches et la Lune » en 1987.

 

Ecovillages, Ecohameau ou écolieux, une démarche sociale, politique et (ou)

écologique

 

Ce projet d'écohameau s'inscrit parfaitement dans la lignée de ce qui a été initié à partir des années 70, à la suite de mai 68. Le Corbusier et son efficacité architecturale était le repoussoir absolu quant à la conception du vivre ensemble, tout sauf les cages à lapin dans lesquelles on voulait parquer les prolos du productivisme. A coté des traditionnelles communautés hippies, babas, spirituelles ou carrément politiques du style de Longomaïl, il existait déjà un courant cherchant une autre conception de la ville et de la vie de village. Une conception qui reprenne l'essentiel des idées post soixante-huitardes, fusion totale en moins.

 

Ce courant a eu du mal à s'imposer face aux difficultés de réalisation, tant dû à la complexité des projets qu'aux tracasseries administratives presque inévitables.

Pourtant quelques réalisations ont vu le jour, à la lisière entre communauté et village : Auroville en Inde, Findhorn en Ecosse, Longomaïl en Provence et les Communautés de L'Arche encore en France, à chaque fois ces projets se sont construits autour d'une personnalité emblématique. Les projets qui commencent à voir le jour aujourd'hui s'appuient sur la caution du fameux « développement durable », l'opposition administrative et locale n'est plus aussi nette et les projets peuvent parfois trouver un appui institutionnel, ce qui constitue un singulier retournement de situation. La mode écologique a mis les « écovillages » dans le vent, désormais on s'applique à faire de vrais projets, pensés, avec une conception d'ensemble. L'utopie est devenue raisonnable, on la pense sur le papier, tout est fait dans les normes, les installations sauvages ou spontanées, en ruptures radicales avec la société dominante sont désormais minoritaires, mis à part l'intérêt qu'elles conservent. Les projets « d'écovillages » ou « d'écohameaux » ont désormais pignon sur rue. En France un réseau s'est constitué, tout en préservant son indépendance il s'est rattaché à un réseau internationnal le « GEN » (Global Ecovillage Network). Une revue s'attache particulièrement au soutien à ces « écolieux», il s'agit de « Passerelle Eco ».

 

Vivre ensemble

 

Aujourd'hui, l'écovillage n'a plus la connotation soixante-huitarde du passé, parce que l'écologie est entrée dans les préoccupations majeures de nos concitoyens, elle est devenue une option réaliste alors qu'on la rangeait parmi les utopies il y a seulement deux décennies. A l'écologie « de la nature », s'est adjoint « l'écologie sociale », ce qui permet de repenser complètement le « vivre ensemble », ceci fait partie des objectifs de la plupart des écovillages.

 

Les villes et les campagnes d'aujourd'hui ressemblent davantage à un « vivre à coté les uns des autres » bien plus qu'à un « vivre ensemble », le règne de l'individualisme est passé par là, chacun n'acceptant que l'autorité de la loi pour mettre une limite à soi-même et pour régler toutes les formes de vie collective. L'amour irrépressible de liberté individuelle est en train de tuer toutes les formes de vies communautaires, on « supporte » ses voisins bien plus que l'on ne cherche à vivre « avec ».

 

La conception d'ensemble d'une cité est le privilège des autorités politiques ou des promoteurs immobiliers, pas des habitants des villes, l'écovillage en ce sens constitue une rupture parce qu'il est conçu d'abord par ses futurs habitants, en cogestion.

 

Vivre en écovillage, c'est accepter des contraintes supplémentaires pour le bien commun, parce que ce bien commun est assimilé pour une fois à son bien à soi.

 

Description du projet de Verfeil :

 

11 maisons sont prévues dont une servira de gîte et une autre pour un logement social locatif, 3 lots d'une surface d'environ 450m2 restent encore disponibles, un lot pourra être utilisé pour un atelier à usage professionnel. Au dessus des maisons, 4000 m2 de verger collectif a déjà été planté, plus à peu près la même surface d'essences forestières. En dessous des maisons se trouvera le potager de 3000 m2. Chaque lot dispose de 800 m2 de terrain plus 300 m2 réservé à un usage collectif sous forme de copropriété, notamment pour réaliser le jardin partagé. Ces zones de propriété collective mais non communale reproduisent un peu l'esprit du « patus » d'autrefois et y correspondent tout à fait d'un point de vue juridique. La surface totale du écohameau représente 3 ha acheté au départ par la Sarl EHD (Eco-Hameau Développement).

 

Origine du projet et recours du voisinage

 

L' Association AES (Auto Eco-constructeurs Solidaires) cherchait des terrains

pour y installer des lotissements « écologiques et sociaux » pour des petites communes ainsi que l'avait imaginé François Plassard. Un projet fut proposé à Marie Fé qui était maire du village à l'époque, en 2004. Aujourd'hui Marie Fé n'est plus maire de Verfeil, mais elle a intégré le projet en achetant une parcelle et projette d'y construire sa maison avec son mari, en auto-construction. L'association qui a créé la Sarl s'est chargée de trouver de futurs acquéreurs des parcelles, prêtes à être viabilisées. Plusieurs réunions avaient eu lieu de façon à peaufiner le projet en collectif, celui-ci avait bien avancé, mais un premier recours judiciaire est venu stopper le bel élan. Deux voisins qui ne trouvant pas le projet à leur goût et estimant que celui-ci allait détériorer leur l'environnement ont entamer une action en justice. L'un des propriétaires en question possède une maison individuelle quelques centaines de mètres au-dessus et il craint pour sa vue et ne ménage aucune critique pour préserver sa quiétude. S'il s'était intéressé un minimum au projet, il se serait rendu compte de l'amélioration qui sera apportée par rapport à l'état actuel de la parcelle, avec notamment une partie reboisée dans l'axe de son champ de vision. La réalité est que l'individualisme s'est tellement ancré dans les mentalités contemporaines que chacun rêve de vivre sur une planète déserte, « l'enfer c'est les autres » comme disait Sartre. Le bonheur c'est aussi les autres, à condition de trouver la bonne distance et d'en avoir l'envie. Quiconque choisissant de vivre en un lieu isolé perçoit toutes les formes de voisinage à priori comme une gêne et très hypothétiquement comme un « plus ». Stéphan est arrivé à ce moment, juste avant les dernières élections municipales. Marie-Fé ne se représentait pas mais une liste s'est montée en diabolisant le projet d' écohameau et en construisant leur campagne autour de cette

opposition au projet, laissant entendre qu'il était l'oeuvre d'une secte ! La fanstamagorie était à son comble nous racontent Stéphan et Marie-Fé, la racaille de Toulouse allait s'installer à Verfeil !

 

L'un des prétendants à la mairie s'est appuyé sur cette opposition au projet pour constituer sa liste et son équipe de campagne. L'opération n'a pas mal réussi puisqu'il a obtenu au premier tour jeu égal avec l'ancienne majorité municipale, jusqu'à ce que l'on s'aperçoive que le prétendant en question avait un passé quelque peu chargé. Toujours est-il qu'une association d'opposition au projet s'était constituée et a déposé un premier recours, bloquant ainsi les prêts des banques, dont la NEF. Pourtant la nouvelle majorité municipale n'était pas contre le projet mais sans désirer s'engager autant que la précédente municipalité.

 

L' association à l'origine du projet s'est elle aussi désengagée alors que le permis de lotir venait d'être délivré. Stéphan qui était venu habiter tout près de Verfeil décide de prendre le dossier en main, il revoit tous les éventuels vices de forme avec l'aide d'un avocat et de la DDE. Les travaux reprennent, mais en juillet 2009 un nouveau recours tombe, suspensif celui là et nouvel arrêt du projet. Le dossier est de nouveau revu avec l'aide d'un géomètre, un nouveau permis est déposé en novembre 2009 et accordé en avril 2010. A partir de là les travaux ont redémarré tout de suite, dont l'installation de tous les réseaux enterrés, la phyto-épuration pour les eaux grises puisque pour le reste on fonctionne en toilettes sèches, plantés des arbres et arbustes soit environ 450 plants qui ont été mis en terre, les routes et allées tracées, il ne restait que 8 jours de travail pour obtenir la viabilisation, dont quelques travaux de terrassement pour le parking etc.... En effet l'allée centrale est exclusivement piétonne, seules les allées à l'arrière des maisons pourront être empruntées par des véhicules, pour décharger des marchandises ou pour permettre un accès aux pompiers.

Aujourd'hui les travaux sont à nouveau stoppés suite à une décision du juge en référé.

 

Cahier des charges de l'écohameau

 

Question énergie, chauffage au bois et eau chaude solaire au minimum, sur le plan architectural, actuellement nous avons 4 projets de maisons bois, nous dit Stéphan et le reste des maisons seront en paille sur ossature. Un cahier des charges défini un certain nombre d'exigences, sur la qualité bioclimatique et écologique des maisons mais aussi sur l'intégration au écohameau. Fabriquées à l'aide de matériaux écologiques les maisons doivent satisfaire à l'unité d'ensemble : toits à deux pentes, tuiles en couverture, limitation sur les étages, des règles sur les ouvertures, etc...de façon à maintenir une harmonie avec les constructions locales. Respect également de l'esprit de « village », avec au moins un mur mitoyen, pas de clôtures en dur, seules des haies sont permises pour ceux désirant préserver une certaine intimité. La halle (photo), lieu à usage collectif, s'est très vite imposée dans le projet de départ, la municipalité devant à l'origine en financer une partie, malgré le désengagement de la nouvelle mairie, le projet de halle a été maintenu, c'est d'ailleurs la première construction qui a été réalisée, ne serait-ce que pour disposer d'un abri pour les matériaux des futures habitations. Cette halle devra servir de lieu de convivialité avec peut-être la construction d'un gîte à l'étage, pour l'accueil de famille, amis ou autre...ce lieu pourra aussi servir à divers usages collectifs, dont pourquoi pas une buanderie, une cuisine pour faire les conserves du potager, une chambre froide etc…

 

D'autres part l'envie de destiner un lot à un usage professionnel s'inscrit dans l'idée de ne pas reproduire les sempiternels « lotissements dortoirs » mais plutôt de se rapprocher de la physionomie, de l'activité et de la vie d'un véritable « village ». Village dans lesquels on retrouverait également la mixité des âges. Nous n'avons plus qu'à souhaiter que le projet puisse redémarrer rapidement, en effet on peut s'étonner de l'avis du juge, alors que le projet est soutenu par la mairie, le département et même la préfecture ! L'Association France Nature Environnement etc... Affaire à suivre.............

 

Claude Le Guerrannic

Publié dans Revue de presse